Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de la montée en puissance du freelancing ?

Publié le 15/11/2022 à 08:12, modifié le 18/11/2022 à 14:51 dans Management.

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Si être freelance est tendance, le statut n’a pourtant rien de nouveau ! Il remonte en effet au Moyen Âge, alors que des soldats offraient, contre rémunération, leurs services au roi. Aujourd’hui, les freelances mettent leurs compétences au service du monde du travail, et leur nombre explose. Représentent-ils une aubaine pour les entreprises, une menace pour le salariat ? Essayons d’y voir plus clair.

Le freelancing, la tendance qui monte en puissance au fil du temps

Effectuons un bond dans le temps, et transportons-nous du Moyen Âge, à la fin du xixe siècle aux États-Unis. Nous y découvrons qu’alors que les centres-villes deviennent des bassins d’emplois, les classes moyennes élisent domicile dans leurs périphéries. Or, les transports en commun encore insuffisamment développés à cette époque rendent compliqué le modèle du « travailleur de banlieue » qui trouvera sa raison d’être plus tard. Pour autant, l’invention du téléphone va inspirer à Jack Nilles et Franck Schiff une nouvelle organisation du travail qu’ils appelleront la « télécommunication ». Elle consistera tout simplement à travailler à distance pour soi, en utilisant l’invention de Graham Bell, et donnera naissance à ce qui s’appellera par la suite le « freelancing ». Ce phénomène restera cependant plus que marginal, et il nous faut faire un nouveau saut temporel et technologique pour constater un accroissement de son usage. C’est en effet à la fin du xxe siècle, avec l’arrivée d’Internet, que le freelancing va éclore. Depuis, il n’a cessé de progresser, jusqu’à véritablement exploser, à la faveur de la récente crise sanitaire… Aujourd’hui il représente environ 57 millions de travailleurs aux États-Unis, 22 millions en Europe, et près de 4,5 millions en France. Selon Forbes, il aurait augmenté de 145 % à travers le monde durant la dernière décennie, faisant des émules non seulement dans les métiers de la tech, mais aussi dans les fonctions les plus diverses : la photographie, la formation, le marketing, la communication, la traduction, la rédaction, le commercial, les RH… et même l’encadrement, avec une montée en puissance du management de transition.

Les freelances, une aubaine pour les entreprises

Si les travailleurs apprécient de plus en plus le freelancing, indéniablement, les employeurs aussi ! 57 % des entreprises françaises y ont eu recours en 2021, et plus de 4 sur 10 déclarent avoir augmenté leur nombre, selon la plateforme de mise en relation Izyfreelance* qui porte désormais le nom de Anywr Freelance. La raison principale évoquée est la pénurie de talents, mais les entreprises apprécient aussi, bien sûr, la flexibilité, l’adaptabilité et le haut degré d’expertise de ces travailleurs indépendants. Employer un freelance, c’est aussi se jouer des critères géographiques… Il peut être accueilli et intégré au sein de l’entreprise, mais aussi contribuer à un maillage territorial sans que l’entreprise ait à se soucier ni de sa logistique ni du foncier. L’entreprise peut également se donner la possibilité de trouver une ressource ad hoc à l’autre bout du monde, tout en s’exonérant des contraintes RH liées à la mobilité internationale des salariés.

Le freelancing, une menace pour le salariat ?

Sauf si un jour, le freelancing séduit tellement de monde que plus personne ne veuille être salarié, il ne constitue pas – à court et moyen terme – une menace pour les contrats de salariat classiques (intérim, CDD et CDI). Certains travailleurs d’ailleurs, à l’instar des livreurs, chauffeurs, et autres « microtravailleurs en ligne » sous-payés, n’acceptent le statut de travailleur indépendant que par défaut, et rêveraient d’être plutôt salariés. Par ailleurs, même dans le cas où le freelancing est un choix délibéré, force est de constater qu’il ne sied pas à tout le monde.

Être travailleur indépendant nécessite en effet de l’autonomie, c’est une évidence, mais également de multiples qualités et compétences. Le freelance se doit d’être expert dans son domaine, pourtant cela ne suffit pas, il doit aussi revêtir de nombreux costumes : commercial, comptable, communicant, etc. Et, comme tout dirigeant d’entreprise, il doit être rigoureux, pugnace, créatif… Bref, certains s’y cassent les dents et retournent au salariat, pour retrouver un manager, des collègues, et des revenus réguliers !

Côté entreprise, l’engouement pour les freelances se heurte également à certaines limites. La première est financière, car, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, confier une mission à un freelance n’est pas toujours moins onéreux que d’assumer un salaire et toutes les charges qui l’entourent. Certains experts (notamment dans l’IT ou le management de transition) pratiquent en effet des tarifs journaliers qui peuvent être extrêmement élevés (600 euros, voire jusqu’à 1000 euros dans certains cas), auxquels s’ajoutent souvent des commissions ou honoraires versés aux cabinets RH chargés de trouver ces perles rares. Même en tenant compte de l’avantage du « stop and go » (la faculté de commencer et d’arrêter une relation commerciale selon le besoin de l’entreprise), rémunérer un freelance peut donc s’avérer plus coûteux que de salarier un collaborateur. Enfin, la vie intrinsèque de l’entreprise à l’heure actuelle ne peut s’envisager sans un creuset de ressources pérennes, formé par ses salariés. Au-delà de son modèle économique, c’est sur ce socle que s’appuie l’entreprise pour définir sa raison d’être, ses valeurs, sa cohésion d’équipe et son sentiment d’appartenance. Indéniablement, une entreprise a besoin, pour se construire, de collaborateurs qui s’engagent et s’impliquent dans la durée, ce qui serait impossible s’ils devenaient tous freelances ! Ces derniers, s’ils sont précieux, demeurent donc souvent des variables d’ajustement, grâce auxquels l’entreprise produit, avance, mais ne bâtit pas.


*Enquête menée du 1er juillet au 10 septembre 2021 auprès de plus de 500 DRH, CEO et C-levels (postes de direction) en France

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Valérie Macquet

Conceptrice- rédactrice, conseil en écriture, auteur, biographe, formatrice pour adultes

Après avoir été gérante d’une agence de communication, directrice déléguée d’un hebdomadaire, puis manager commerciale d’une équipe de commerciaux grands comptes, j’en ai eu assez de jongler avec …