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Interview

« On ne met jamais en avant les fragilités des entrepreneurs à succès »

Dans son livre «Entreprendre et (surtout) être heureux», Alexandre Dana décrypte le rapport des entrepreneurs au burn-out et à la fatigue professionnelle. L'entrepreneur décrit un phénomène encore tabou.

Alexandre Dana, cofondateur de LiveMentor, décrypte les ressorts du burn-out des entrepreneurs.
Alexandre Dana, cofondateur de LiveMentor, décrypte les ressorts du burn-out des entrepreneurs. (DR)
Publié le 13 déc. 2022 à 07:00

Alexandre Dana a subi un burn-out en 2021, le troisième en dix ans d'entrepreneuriat. Encore abasourdi par ce qu'il vient de vivre, le cofondateur de l'organisme de formation LiveMentor , se lance dans un projet ambitieux : recueillir le témoignage des entrepreneurs qui, comme lui, sont passés par des phases plus ou moins violentes d'angoisse, d'anxiété ou de fatigue professionnelle.

L'entrepreneur voulait faire un état des lieux de la souffrance au travail subie par les indépendants, qui est encore mal connue et peu médiatisée, contrairement à celle des salariés. En quelques mois, Alexandre Dana a reçu environ 10.000 réponses, qu'il a compilées dans un livre baptisé « Entreprendre et (surtout) être heureux », aux éditions Eyrolles, en librairie en mars 2022. L'ouvrage dégage les spécificités du burn-out des entrepreneurs, en donnant des pistes pour ne plus aller au travail la boule au ventre.

Pourquoi le mal-être professionnel des entrepreneurs est-il encore un sujet tabou, alors que ce n'est plus vraiment le cas pour les salariés ?

C'est assez incompréhensible, car les entrepreneurs sont également soumis au burn-out ou au surmenage . Les free-lances, les commerçants ou les patrons passent également par des périodes difficiles. Ils ont tendance à se malmener au quotidien en raison d'une culture de la performance généralisée dans le monde de l'entrepreneuriat.

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Médias et influenceurs ont tendance à ériger en modèle des entrepreneurs aux rythmes de vie intenables, qui travaillent 80 heures par semaine, sans même poser la question du bien-être. On ne met jamais en avant les fragilités des entrepreneurs à succès, mais plutôt leur résilience. Cet état de fait pousse les entrepreneurs à mettre leur bien-être au travail sous le tapis.

Les causes de la souffrance au travail sont-elles différentes pour les salariés et les entrepreneurs ?

Les raisons qui peuvent mener au burn-out sont différentes. Les théories classiques sur l'épuisement professionnel mettent le doigt sur l'absence de sens, le management toxique ou bien les process à outrance. Ce n'est pas valable pour une personne à son compte. En compilant les réponses que j'ai obtenues, j'ai identifié six phénomènes qui amènent l'entrepreneur vers la souffrance : la peur de l'échec, le syndrome de l'imposteur , la comparaison maladive, l'anxiété récurrente, l'obsession du détail et le traumatisme de l'échec.

Toutes ces causes n'affectent pas de la même façon les entrepreneurs en fonction du stade de développement de leur projet. Au lancement, les néocréateurs souffrent beaucoup du syndrome de l'imposteur, tandis que le recrutement des premiers salariés se traduit par une obsession des détails . Les entrepreneurs sont également frustrés d'être exclus des réflexions sur le futur du travail, mais aussi de voir qu'il n'existe toujours pas de protection sociale des indépendants qui tienne la route.

Les choses vont-elles en s'améliorant en ce qui concerne la prise en compte du bien-être des entrepreneurs ?

Les choses vont dans le bon sens. Les prises de paroles se multiplient sur les réseaux sociaux, et les gens ont de moins en moins peur d'exposer leurs failles ou les problèmes qu'ils peuvent rencontrer. Une nouvelle voie se dessine. Elle prône le bien-être de l'entrepreneur, au point de redéfinir la notion même d'ambition.

En prenant en compte leur bien-être, les entrepreneurs peuvent-ils devenir plus performants ?

Si l'on réfléchit dans ce sens-là, on prend le problème à l'envers ! On ne doit pas chercher à être bien dans sa tête pour assurer le succès de son entreprise, mais plutôt se demander à quel point notre aventure entrepreneuriale peut nous aider à nous accomplir. L'entreprise doit être au service de l'entrepreneur, et il faut prendre le temps d'y réfléchir lorsqu'on se lance.

Simon Adolf

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