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Le métier de CTO, si bien payé mais si peu féminisé

Directeur technique, directeur scientifique, directeur des technologies, le terme de CTO, sigle pour « chief technical officer », peut se traduire de bien des manières. Mais il se décline rarement au féminin…

En entreprise, les femmes sont encore sous-représentées au poste de « chief technical officer ».
En entreprise, les femmes sont encore sous-représentées au poste de « chief technical officer ». (The Big Bang Theory)

Par Laura Makary

Publié le 8 mars 2023 à 12:28Mis à jour le 9 mars 2023 à 15:06

Les chiffres sont sans appel. Dans le cadre d'une étude publiée en novembre 2022, le cabinet BCG Consulting a passé en revue les équipes dirigeantes du « French Tech 120 ». Parmi cette centaine de sociétés innovantes, seules sept femmes CEO. « Nous nous attendions à ce que les entreprises du FT120 soient en avance sur les questions de parité, par rapport au CAC 40, mais ce n'est pas le cas », regrette Leïla Hamidou, directrice associée de BCG et co-autrice de l'étude. Dans le « Next 40 », les quarante start-up ayant le potentiel d'intégrer à terme le CAC 40, il n'y a que 18 % de femmes aux postes de direction. Contre 20 % dans le - très traditionnel - CAC.

Et si ce constat n'est pas très positif, il l'est encore moins du côté de la direction technologique de ces entreprises. L'étude relève que le French Tech 120 ne compte que trois femmes CTO.

CTO, ce sigle ne vous parle pas ? Le « chief technical officer » est un terme popularisé dans l'univers des start-up, mais repris désormais par de nombreuses entreprises de tous secteurs. « Il est le garant de l'innovation technique et technologique de son entreprise et s'implique fortement dans la recherche et développement », indique le cabinet de recrutement Robert Half. Moyenne de salaire, selon ce dernier : 70 à 120.000 euros brut l'année.

La seule femme en réunion

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Alors, pourquoi si peu de femmes atteignent-elles ces fonctions pourtant d'avenir ? « C'est vrai que dans les réunions entre pairs, je suis souvent la seule femme », glisse Claire Cizaire, CTO du cabinet d'audit Mazars. Ingénieure centralienne, puis diplômée d'un doctorat du Massachusetts Institute of Technology (MIT), elle a tenté une aventure entrepreneuriale, avant de rejoindre des grands groupes. Dont Mazars en 2017, dont elle pilote aujourd'hui la stratégie technologique.

D'après elle, si les femmes sont sous-représentées à ce poste, c'est peut-être entre autres en raison de la faible part de femmes en écoles d'ingénieurs (27 % selon la Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs). « Pourtant dans mes équipes, je vois des ingénieures, des développeuses, des scientifiques, toutes très légitimes, avec des compétences fortes ! » ajoute-t-elle.

Manque de confiance et paternalisme

De son côté, à 30 ans, Adèle James est cofondatrice et CTO de la start-up Phagos. Après son doctorat de microbiologie moléculaire de Sorbonne Université, elle s'oriente d'abord vers la recherche. Après quelques expériences en entreprise, Adèle est contactée par le réseau Entrepreneur First. Elle rencontre son associé, Alexandros Pantalis, diplômé d'HEC, et ils créent Phagos, une biotech qui développe des alternatives aux antibiotiques, en utilisant les bactériophages, des prédateurs naturels de la bactérie. « Un sujet essentiel. En 2050, il y aura plus de morts liés à l'antibiorésistance qu'au cancer… » explique Adèle James. Elle qui cherchait du sens, elle en a trouvé.

En revanche, être une femme, jeune, pilotant les activités recherche et développement d'un tel projet, n'est pas tous les jours évident. « Quand j'échange avec d'autres CTO, ce sont des hommes, plus âgés. Je ressens un petit manque de confiance en moi, et en parallèle un ton qui peut tomber dans le paternalisme », raconte Adèle. Elle soupire aussi face à ceux qui lui demandent si elle est en couple avec son associé.

Les hommes attirent les hommes, et vice versa

Le métier de CTO est aussi les structures qui en sont dotées. Wensi Xie est CTO de la société Crosscall, spécialisée dans les téléphones mobiles anti-chocs.« Je travaille aussi bien sur la conformité auprès des opérateurs que sur les attentes de nos clients, ou la durabilité de nos produits », explique-t-elle.

Si elle n'a pas ressenti de sexisme dans son travail, elle a évidemment remarqué le peu de présence féminine dans ces fonctions… Pour inverser la tendance, Leïla Hamidou du BCG croit au biais de ressemblance. Les femmes vont dans les modèles de réussite où elles peuvent se projeter, chaque nouvelle présence attire d'autres professionnelles. « Le métier de CTO est passionnant, à la croisée entre le business, la science et la technologie, avec un réel impact sur l'évolution de l'organisation, témoigne Claire Cizaire, de Mazars. Plus l'on verra ces postes féminisés, plus ce sera facile pour les femmes d'oser et de chercher des responsabilités à la mesure de leurs compétences. »

Selon l'étude du BCG, dans les jeunes pousses fondées par des hommes, les femmes n'occupent que 12 % du noyau exécutif. Quand l'entreprise a été créée par une femme, ce chiffre passe à 29 %.

Laura Makary

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