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Dans l'enfer du télétravail en train : pourquoi capter le wifi du TGV relève du casse-tête

Capter une connexion et la conserver ne serait-ce quelques minutes est le voeu le plus cher de nombreux voyageurs des TGV. Hélas, maintenir une connexion à 300 km/h est une prouesse technique. Comme le fait de rester concentré sur son travail…

34 % des voyageurs de TGV se connectent au wifi dans le train, selon les chiffres de la SNCF.
34 % des voyageurs de TGV se connectent au wifi dans le train, selon les chiffres de la SNCF. (Franck LODI/SIPA)

Par Florent Vairet

Publié le 8 nov. 2022 à 17:30Mis à jour le 10 nov. 2022 à 16:11

L'Américain qui hurle. L'Italien qui téléphone en haut-parleurs. Le casque de l'adolescent qui crache la musique moins discrètement que des enceintes. Le jeune parent qui se fiche de son bébé en pleurs ignorant les regards accusateurs. Et votre septuagénaire de voisine qui zieute votre écran, vous demandant si vous n'avez pas trop froid. Ou trop chaud, tout en essayant de vous montrer les photos de son petit-fils sur son téléphone. Au fond, il n'y a que vous, jeune cadre dynamique consciencieux, qui cherchez envers et contre tout à travailler dans ce TGV.

D'ailleurs, on vous repère assez vite. Vous avez vous aussi, vos petits bruits : tapotage intensif du clavier et clics réguliers sur la souris portative. Et parfois vous lâchez un fort mais poli « PUREE », qui manque de faire tressaillir votre voisine plus toute jeune. Une nouvelle fois, le wifi de la SNCF vous fausse compagnie.

Sans doute que Franck fait partie de ceux qui ont pu se laisser aller à un vilain mot. « Je prends toutes les semaines le TGV Paris-Bordeaux pour le boulot. Si je suis rarement embêté par les retards, en revanche, bosser avec le wifi, mission impossible ! »

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Entre vitesse et internet, il faut choisir

Pourtant, certains y arrivent. On les voit, détendus, pianoter sereinement comme s'ils étaient dans leur bureau, à deux doigts de lâcher un : « Et hop, encore un mail envoyé, une affaire rondement menée. » Au bout d'une heure, une compétition larvée s'installe entre eux et les autres, les enragés, ceux qui au bout d'une heure, n'ont toujours pas réussi à faire apparaître la première page du navigateur.

« Je déteste regarder les gens travailler dans le train pendant que le manque de réseau m'oblige à lire des magazines… » témoigne, désabusé, Christophe, la trentaine. « Le plus frustrant est le semblant de connexion, en réalité, jamais suffisante, qui laisse une lueur d'espoir pour un potentiel envoi de mail, ajoute Marc, jeune architecte et habitué du Paris-Toulon. Un temps à attendre un hypothétique envoi qui sera finalement perdu puisque je devrai le faire de chez papa maman. »

La page affichée lors d'un échec à la connexion du wifi proposé dans le train.

La page affichée lors d'un échec à la connexion du wifi proposé dans le train.Site : wifi.sncf

A la décharge de la SNCF, « fournir du réseau à 300 km/h relève d'une prouesse technique », rappelle Guillaume Decorzent, chef de l'unité Couverture et investissements mobiles à l'Arcep, le gendarme des télécoms. Explications : des bornes fixées sur le toit des rames se connectent aux antennes installées le long des voies. Le réseau est ensuite distribué à l'intérieur du train sous forme de wifi. Problème : à cette vitesse, maintenir une connexion continue exige qu'il y ait des antennes relais placées tous les trois kilomètres. Spoiler : ce n'est pas le cas sur toutes les lignes. (On y reviendra plus tard).

Autre donnée qui complique notre surf : la saturation du réseau. Imaginez, 500 Parisiens assis dans un TGV INOUI (640 pour un Ouigo !) en retour de Marseille, le téléphone vissé à la main. La moitié vendrait père et mère pour une minute de réseau et pouvoir poster sur Instagram une photo de leur week-end dans le Panier. Alors quand cet aréopage de 500 instagrameurs avides de connexion s'approche à 300 km/h d'une antenne relais plantée au milieu de la vallée du Rhône, la pauvre antenne passe en une seconde de quasiment zéro (imaginons qu'on soit dans la Drôme) à plus de 500.

Et dans les faits, les passagers sont plutôt 1.000 que 500. La SNCF attache souvent deux rames l'une à l'autre. Saturation assurée.

L'effet « Cage de Faraday »

Dernier élément qui explique ce cauchemar de télétravail : l'effet « Cage de Faraday ». Rien à voir avec pharaons ou Fahrenheit. L'effet « Cage de Faraday » est le nom barbare pour décrire l'effet bouclier joué par l'habitacle du TGV face aux ondes électromagnétiques. Concrètement, des vitres épaisses et des matériaux qui limitent leur passage.

Pour pallier les manquements du wifi, on nous dit dans l'oreillette que le partage de connexion marcherait davantage. Difficile de le croire. Votre téléphone se connecte aux mêmes antennes que les bornes du train placées le long des voies ferrées.

En réalité, votre cauchemar est plus ou moins intense selon les lignes que vous empruntez. Toutes ne sont pas couvertes de la même façon par les opérateurs. L'Arcep qui mesure chaque année la couverture du réseau sur les lignes de chemin de fer souligne que la ligne Bourg-en-Bresse - Bellegarde est la moins bien couverte du réseau TGV. Seuls 42,9 % des points mesurés sur le tracé permettent un chargement en moins de 10 secondes d'une page sur votre navigateur. Ici le relief montagneux explique la mauvaise connexion. Les voyageurs les plus chanceux sont ceux qui parcourent la ligne Lille - Tourcoing avec un score de 99,6 %.

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Au global, les chiffres de l'Autorité de régulation des télécoms montrent que SFR est le plus mauvais élève sur le réseau TGV, juste derrière Bouygues Telecom et Free. Orange trône en tête loin devant ses concurrents. Pour SFR, le score est de 77,9 % sur les points mesurés, contre 88,2 % pour Orange.

Sur ces lignes ou ailleurs, pour maximiser sa connexion, l'Arcep conseille de choisir LA place stratégique : à l'étage, près de la fenêtre.

34 %

C'est la proportion moyenne des voyageurs des TGV qui se connectent au wifi

Quoi ça ne fonctionne toujours pas ! ? Il ne vous reste plus que le portail gratuit proposé par la SNCF. Vous aurez accès à la presse digitale et des contenus multimédias comme les films Spider-man : homecoming, La daronne et des documentaires comme Demain tous crétins ou les dernières heures de Pompéi. Ce contenu hébergé en local, à bord des trains, sera donc disponible même au fin fond des montagnes alpines.

Si vous tenez absolument à travailler sur du contenu professionnel, on vous conseille de le télécharger en amont. Ou pour les adeptes de la fonction partage de connexion de votre smartphone, utilisez la très utile carte de l'Arcep qui fait apparaître les points de connexion, par opérateur, sur votre ligne TGV. De quoi savoir quand il ne servira à rien d'appuyer sur le bouton « connexion ». Pour cela, choisissez à gauche votre opérateur, cliquez sur Qualité > Protocoles Arcep > Transports > TGV et choisissez votre ligne.

Ça va aller mieux dans les prochaines années ?

Le nombre d'antennes ne pouvant a priori qu'augmenter, la couverture devrait théoriquement aller crescendo. Sauf que voilà. Si l'on reprend deux des trois critères qui détériorent la connexion, on retrouve les problèmes de saturation du réseau et l'effet « Cage de Faraday ». Pour le premier, sachez que le nombre de places par rame ne va faire qu'augmenter. Les futurs TGV dont les premiers circuleront courant 2024 compteront 10 % de capacité supplémentaire par rapport aux actuels. Soit dans notre exemple à peine caricatural, 10 % de Parisiens en plus qui voudront à tout prix poster leurs photos sur Instagram.

Concernant l'effet Faraday, selon Guillaume Decorzent de l'Arcep, ces nouveaux TGV sont construits avec des matériaux qui renforcent l'effet bouclier. Autrement dit, pas sûr que votre connexion à 300 km/h s'améliore tout de suite.

Quid des réseaux Intercités, Transiliens et RER ?

Ici, c'est l'opérateur Free qui arrive en dernière position et Orange qui reste largement en tête. A noter que les quatre opérateurs ont l'obligation d'ici 2027 d'atteindre 60 % de couverture sur les lignes régionales, au sein de chaque région. Et 80 % d'ici 2030. Youpi.Pour les avancées dans le métro, c'est ici .

Florent Vairet

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